samedi 27 novembre 2010

Journalisme 101: blâmer le libre marché pour les échecs de l'interventionnisme étatique



La perversion journalistique

par Martin Masse

L'une des tactiques les plus systématiquement employées par les propagandistes étatistes est d'attribuer au libre marché les problèmes causés par l'interventionnisme étatique. On le constate tous les jours en lisant les journaux, qui rapportent les nombreux problèmes et crises qui surviennent dans les domaines où l'État intervient beaucoup. À qui la faute? Presque invariablement, même si l'explication est absurde à sa face même, c'est la faute à la déréglementation, aux privatisations, au retrait de l'État, aux coupures budgétaires, au néolibéralisme, au capitalisme débridé, etc.

Pravda-manchetteOn peut en constater deux exemples aujourd'hui dans des quotidiens montréalais. Dans La Presse, le journaliste économique Marc Thibodeau, à Dublin pour couvrir l'effondrement financier de l'Irlande, cite un analyste irlandais:

Le journaliste Fintan O'Toole, auteur d'un livre de référence sur l'effondrement de l'économie irlandaise, pense qu'il est «insensé» sur le plan économique pour l'État de continuer à injecter de l'argent dans les banques. Et «moralement obscène» de demander à la population de payer la note en se serrant la ceinture.

Pendant des années, dit-il, le gouvernement irlandais a fonctionné main dans la main avec les banques et un groupe restreint de promoteurs qui se sont concertés pour alimenter une bulle immobilière monstre vouée à l'éclatement.

Le tout dans un contexte de dérégulation totale inspirée d'une philosophie de libéralisme économique qui montre aujourd'hui ses limites, ironise M. O'Toole.

L'ironie et les sarcasmes envers le libéralisme économique, nos journalistes adorent cela. C'est rapporté au premier degré, comme un commentaire de toute évidence pertinent, sans aucune pointe d'ironie envers l'ironie déplacée de l'analyste irlandais, sans aucun commentaire contradictoire de la part d'un autre intervenant.

On reste donc avec l'impression que c'est ça le libéralisme économique: un gouvernement qui aide activement des banques et des promoteurs à fourrer le peuple. Et pourtant, les mêmes journalistes dénoncent constamment les effets pervers de cette autre prescription du libéralisme économique: le non-interventionnisme, le retrait de l'État, c'est-à-dire un État qui, logiquement, n'aiderait pas des banques et des promoteurs à faire quoi que ce soit.

La contradiction est tellement flagrante qu'on se demande comment quelqu'un dont la profession est de récolter, structurer et transmettre de l'information peut ne pas la voir. Dans un paragraphe, on dénonce le fait que le gouvernement irlandais fonctionne «main dans la main» avec des banques et un groupe restreint de promoteurs. Dans l'autre, on fait de l'ironie sur le fait que cela survient «dans un contexte de dérégulation totale inspirée d'une philosophie de libéralisme économique qui montre aujourd'hui ses limites». Ce qui laisse entendre que la solution serait... plus d'interventionnisme étatique et de contrôle sur l'économie de la part de ces mêmes politiciens et bureaucrates qui couchent avec les banquiers et les promoteurs!



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