samedi 19 juin 2010

David Descoteaux sur l'UPA

Via la page de David Descoteaux:

MERCREDI 16 JUIN 2010

Les soviets dans nos campagnes

(Publiée dans le journal Métro)

Votre facture d’épicerie coûte un bras? Remerciez le lobby agricole.

Depuis 40 ans, les agriculteurs ont réussi à soutirer aux politiciens des avantages financiers immenses, notamment grâce à la « gestion de l’offre ». Ce système étouffe la concurrence en bloquant le lait, les œufs et la volaille en provenance d’autres pays. Si ces produits étrangers entrent sur notre territoire, nos gouvernements les frappent de taxes allant jusqu’à 300 %. Autant dire qu’ils n’entrent pas. Le syndicat agricole (l’UPA) – avec l’aide des politiciens – distribue ensuite un nombre limité de quotas de production d’œufs, de lait ou de volailles aux agriculteurs. Le but : réduire l’offre, afin de faire grimper les prix. Le consommateur? Qu’il s’étouffe avec sa facture.

Résultat : vous payez votre litre de lait 59 cents plus cher ici qu’aux États-Unis, selon une étude du Conference Board. Et 64 cents plus cher qu’en Australie. Vos œufs coûtent 50 % plus cher qu’au sud de la frontière. Votre poulet? Le double!

Petite lueur d’espoir : des agriculteurs commencent à en avoir ras-le-bol de ce système digne des années soviétiques. Sans remettre en cause la gestion de l’offre, le Conseil des entrepreneurs agricoles (CEA), fondée en juin par les producteurs de céréales, de sirop d’érable et les jardiniers maraîchers, critique la mise en marché collective. Gérée mur-à-mur par l’UPA, celle-ci s’étend à une foule d’aliments, et brime l’esprit entrepreneurial des agriculteurs. Pour vendre leur récolte, plusieurs agriculteurs doivent obligatoirement passer par une agence de commercialisation – seul acheteur possible. « Même si je trouve un acheteur prêt à payer 20 % plus cher pour mon blé, impossible de lui vendre. Je me ferais poursuivre devant les tribunaux », me dit au téléphone Gilles Brouillard, président du CEA et lui-même producteur de blé. Résultat : les agriculteurs deviennent de simples producteurs, sans pouvoir de décision. « Plusieurs agriculteurs n’en veulent pas du syndicat et de la mise en marché collective, dit M. Brouillard. Ils veulent contrôler ce qu’ils produisent, différencier leurs produits, et leur apporter une valeur ajoutée. Et surtout, choisir à qui vendre leur récolte. Peut-on les laisser libres de le faire? »

Ce serait un pas dans la bonne direction. Mais M. Brouillard ne rêve pas en couleur. Si plusieurs agriculteurs joignent sa cause, il sait que le monopole syndical de l’UPA, lui, ne cédera aucun pouce. Le système profite à l’UPA, qui reçoit des cotisations obligatoires de chaque agriculteur. Chaque denrée qui transite dans ce système engraisse les coffres des différentes fédérations du syndicat. Malgré tout, le jeu en vaut la chandelle, croit M. Brouillard. « Nous, on veut reprendre le contrôle de nos fermes ». Et nous, consommateurs, on aimerait reprendre le contrôle de notre facture d’épicerie.

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