Nous avons remarqué que la structure différente des acides gras saturés et insaturés leur conférait des propriétés différentes.
Il est important de se rappeler que la structure même des acides gras polyinsaturés les rend vulnérables à être endommagés par différents agents (rayons UV, chaleur, oxygène, radicaux libres) alors que la structure des gras saturés les rend résistants à ce type d'attaque.
Il est intéressant de noter que le gras corporel des organismes à sang chaud (dont les humains) est, en général, majoritairement saturé. Également, le gras contenu dans les fruits tropicaux (qui sont soumis à des températures élevées, tels que les noix de coco et les fèves de cacao) est très saturé.
La raison est simple: une température aussi élevée que celle du corps humain, ou d'une noix de coco poussant sous le soleil des tropiques, endommagerait grandement des gras polyinsaturés. La chaleur causerait des réactions chimiques incontrôlées (appelées de peroxidation) qui rendraient ces gras tout à fait non fonctionnels. En plus, des quantités énormes d'antioxydants seraient nécessaires pour contrer ces dégâts.
Pour cette raison, les gras polyinsaturés se retrouvent davantage dans des organismes dont la température corporelle est basse, tels que les poisson d'eau froide, ou bien les plantes poussant dans un climat nordique, telles que les graines de lin.
Encore une fois, il s'agit d'une adaptation utile pour ces organismes, puisque des poissons vivant dans une eau froide et ayant un gras corporel principalement saturé deviendraient rigides comme des chandelles!
Les gras polyinsaturés restent flexibles et sont stables à basse température, d'où leur utilité pour ces organismes.
Maintenant, il est important de savoir qu'un humain qui consommerait beaucoup de gras polyinsaturés et peu de gras saturés verrait la proportion de gras insaturé stocké dans son corps augmenter.
À ce sujet, une étude (1) effectuée en 1966 a suivi 2 groupes de personnes agées en institution pendant 680 jours (près de 2 ans). Un groupe était nourri de façon conventionnelle (le groupe contrôle) alors qu'un groupe était nourri avec une diète spéciale où les gras saturés étaient remplacés par des gras majoritairement insaturés (le groupe traitement).
Cette étude est importante parce qu'elle est très bien contrôlée: les sujets étaient nourris par l'institution et donc les chercheurs connaissaient la composition exacte de leur alimentation.
De plus, elle est d'une durée relativement longue, ce qui permet de déceler des effets qui ne surviendraient que tard après le début de l'intervention.
Finalement, elle est effectuée sur des humains, ce qui est toujours souhaitable mais relativement rare. En effet, les études humaines coûtent beaucoup plus cher, sont plus longues et nécessitent de plus grandes précautions que les études chez les rongeurs. Toutefois, les résultats sont en général plus significatifs.
Les résultats de cette étude ont montré que dans le groupe traitement, après 680 jours, le contenu du tissu adipeux en acide linoléique (un acide gras polyinsaturé) est passé de 11% à 32%. Donc, la proportion d'acide linoléique dans le gras corporel a pratiquement triplé!
Fait intéressant, le cholestérol sanguin des 2 groupes à baissé approximativement dans la même proportion après 680 jours malgré le fait que le groupe contrôle consommait beaucoup plus de gras saturé que le groupe expérimental.
Une autre étude, datant de 1992 (2), a documenté un phénomène similaire chez des rats mâles Wistar. Les membranes cellulaires des rats du groupe consommant davantage de gras polyinsaturés étaient enrichies en ce type de gras après 30 jours .
Fait à noter, les 3 groupes de rats de cette étude consommaient des diètes isocaloriques (même quantité d'énergie). Pourtant, la prise de poids était inférieure chez les rats suivant la diète riche en gras saturés que chez les rats consommant beaucoup de gras polyinsaturé. On reviendra sur ce phénomène plus bas en discutant de la glande thyroïde.
En considérant ces études, qui montrent que les gras polyinsaturés alimentaires s'accumulent dans les tissus, il faut se demander quels sont les effets biologiques causés par ces gras.
Plusieurs travaux scientifiques publiés dans les 30 dernières années nous informent sur cette question.
Une étude(3) publiée en 2006 comparait 2 groupes de râts mâles Wistar. Le groupe contrôle recevait une moulée ordinaire, alors que le groupe traitement recevaient une diète spéciale enrichie de 20% d'huile de tournesol (un gras très polyinsaturé). La durée de l'étude était de 4 semaines.
La conclusion des auteurs est sans équivoque: 'Our study, for the first time, demonstrates that consumption of a high fat diet rich in omega-6 PUFA for only 4 weeks instigates mitochondrial nitrosative damage and causes cardiac dysfunction at high afterloads.'
Donc, qu'une diète riche en gras polyinsaturé endommage les mitochondries (les mitochondries sont les organelles où est produite l'énergie necessaire au fonctionnement de la cellule) et cause des dysfonctions cardiaques. Et ce en seulement 4 semaines!
Un autre effet déletère important des acides gras polyinsaturés est leur effet inhibiteur sur la glande thyroïde.
Les travaux du Dr Ray Peat (4) ont lancé mon intérêt pour ce sujet. Le Dr Peat fait référence à des centaines d'articles scientifiques. Nous en survolerons quelques-uns ici.
Premièrement, le Dr Peat cite une étude (5) datant de 1984 où des rats 'déficients' en acides gras essentiels (oméga-6 et oméga-3, tous polyinsaturés) avaient un métabolisme anormalement élevé. Ceci laissait supposer que les acides gras polyinsaturés pouvaient avoir un effet dépresseur sur le métabolisme.
Comme la glande thyroïde contrôle, entre autre choses, la 'vitesse' du métabolisme (le taux auquel l'énergie est utilisée par le corps) et la génération de chaleur par les muscles, des chercheurs ont étudié les effets des gras polyinsaturés sur l'activité de la glande thyroïde.
Une étude (6) datant de 1983 étudie la lipogénèse (fabrication de nouvelle graisse). Fait intéressant, les chercheurs utilisent l'acide linoléique pour supprimer la réponse du tissu adipeux brun à l'hormone thyroïdienne T3. Ceci veut dire que l'acide linoléique diminue les effets des hormones thyroïdiennes.
Une autre étude (7) publiée en 1990 dans le Journal of Nutrition a démontré que chez les rats, un apport élevé en huile de carthame (très polyinsaturé) augmentait la quantité d'hormone thyroïdienne nécessaire à l'activation d'enzymes hépatiques (du foie) servant à utiliser la graisse comme source d'énergie.
Les auteurs concluent: 'These data support the hypothesis that polyunsaturated fats uniquely suppress the gene expression of lipogenic enzymes by functioning as competitive inhibitors of T3 action, possibly at the nuclear receptor level.'.
Ainsi, un apport élevé en gras polyinsaturés inhibent l'action de l'hormone T3 (l'hormone thyroïdienne active).
L'étude mentionnée plus haut (2) illustre également ce phénomène d'inhibition du métabolisme par les gras polyinsaturés: la prise de poids moyenne dans le groupe de rats nourris au gras de boeuf (saturé) était de 69 grammes sur la durée de l'étude. Les rats nourris à l'huile d'olive (monoinsaturé) ont gagné en moyenne 93 grammes, et ceux nourris à l'huile de carthame (polyinsaturé) ont gagné en moyenne 108 grammes. Rappelons que l'apport calorique était égal pour tous les groupes de rats.
Donc, plus le gras est saturé, moins il inhibe le fonctionnement de la glande thyroïde et plus le métabolisme fonctionne normalement. Plus le gras est insaturé, plus le fonctionnement de la glande thyroïde est entravé et plus le métabolisme est ralenti. Ceci peut mener à un gain de poids malgré un apport calorique constant (entre autres problèmes, car la glande thyroïde a de multiples fonctions).
Après la glande thyroïde, il est intéressant de considérer l'effet d'un apport élevé de gras polyinsaturés sur le foie.
Une étude (8) faite en 2006 étudie chez les rats le mécanisme de la stéatose non alcoolique (NASH), une accumulation de lipides dans le foie (un foie gras!) accompagnée d'inflammation.
La stéatose est un problème de santé relativement fréquent, quoique bénigne. Toutefois, elle peut dégénérer en fibrose, qui peut elle-même mener à la cirrhose. La cirrhose hépatique cause des dommages irréversibles au foie, et entraîne ultimement la mort de l'animal ou du patient.
Les chercheurs voulaient voir si un apport hypercalorique (supérieur aux besoins énergétiques des rats) en gras saturé causait une stéatose non alcoolique. Ils ont utilisé le beurre et l'huile de noix de coco comme gras. Leur conclusion:
'Long term high saturated fat feeding led to increased "peripheral" fat storage and BAT thermogenesis but did not induce hepatic steatosis and NASH.'
Donc, le surplus de calories fourni par la diète riche en gras saturé était stocké dans les cellules adipeuses périphériques (dépôts sous cutanés), tout en augmentant la génération de chaleur corporelle, mais ne causait pas de stéatose hépatique.
Par contraste, une quantité très petite de gras polyinsaturé est suffisante pour causer des dommages au foie.
Une étude datant de 1989 (9) a montré que l'acide linoléique était probablement essentiel au développement des dommages hépatiques résultant de la consommation d'alcool.
Des rats mâles Wilstar ont été divisés en 3 groupes. 1 groupe recevait une alimentation enrichie en gras de boeuf (0,7% d'acide linoléique), 1 groupe recevait une diète enrichie de lard (2,5% acide linoléique) et 1 groupe recevait une alimentation enrichie en gras de boeuf avec un supplément de 2,5% d'acide linoléique. Les 3 groupes recevaient une quantité égale d'éthanol (alcool).
La conclusion des auteurs: 'Enzyme and histologic changes (fatty liver, necrosis and inflammation) in the tallow-linoleic acid-ethanol fed animals were more severe than in the lard-ethanol group. The tallow ethanol group did not show any evidence of liver injury.'
Donc, le groupe nourri de gras de boeuf (très saturé) n'a montré aucune toxicité ou dommage hépatique lié à l'alcool, alors que le groupe nourri de gras de boeuf supplémenté de 2,5% d'acide linoléique ont montré des changements 'sevères'. Le groupe nourri de lard montrait des changements intermédiaires. Rappelons que la quantité d'alcool était égale pour les 3 groupes.
Il semble que les gras saturés peuvent même aider à inverser des pathologies hépatiques liées à l'alcool. Dans une étude menée en 1996 (10), des rats mâles Wistar ont été nourris pendant 6 semaines d'une diète supplémentée d'huile de poisson et d'éthanol. Ce régime cause une pathologie hépatique alcoolique. Après la 6e semaine, les rats ont été séparés en 4 groupes et nourris de la façon suivante:
Le groupe 1 a continué la diète de départ.
Le groupe 2 à remplacé l'ethanol par du dextrose (sucre).
Le groupe 3 à remplacé l'ethanol par du dextrose (sucre) et de la vitamine E.
Le groupe 4 à remplacé l'huile de poisson par des triglycerides à chaîne moyenne et l'éthanol par du dextrose (sucre). Les triglycérides à chaîne moyenne sont des gras saturés présents en grande quantité dans la noix de coco.
Les auteurs concluent: 'Our results indicate that a diet enriched in saturated (group 4) but not polyunsaturated (group 2) fatty acids effectively reverses alcoholic liver injury.'
Donc, des triglycérides à chaîne moyenne (les gras principaux de la noix de coco) ont guéri les dommages hépatiques causés par l'alcool et l'huile de poisson.
Finalement, il semble que les acides gras saturés peuvent aider la guérison du foie même en continuant la consommation d'alcool (11).
Des rats mâles Wistar ont été divisés en 5 groupes.
Le groupe 1 a été nourri à l'huile de poisson et éthanol (alcool) pour 8 semaines.
Le groupe 2 a été nourri à l'huile de poisson et éthanol (alcool) pour 6 semaines.
Le groupe 3 a été nourri à l'huile de poisson et éthanol (alcool) pour 6 semaines avant de remplacer l'huile de poisson par de l'huile de palme (un gras saturé) pour 2 semaines.
Le groupe 4 a été nourri à l'huile de poisson et éthanol (alcool) pour 6 semaines avant de remplacer l'huile de poisson par des triglycérides à chaîne moyenne (gras saturé, mentionné plus haut) pour 2 semaines.
Le groupe 5 a été nourri à l'huile de poisson et dextrose (sucre) pour 8 semaines.
Les auteurs concluent: 'A diet enriched in saturated fatty acids effectively reverses alcohol-induced necrosis, inflammation, and fibrosis despite continued alcohol consumption.'.
L'inflammation et la fibrose hépatique les plus élevées ont été observés dans les rats des groupes 1 et 2. De fortes améliorations ont été observées dans les groupes 3 et 4, en dépit d'une consommation d'alcool continue.
Le fait de remplacer l'huile de poisson, très polyinsaturée, par de l'huile de palme ou des triglycérides à chaîne moyenne, a causé une amélioration marquée de l'inflammation et la fibrose hépatique en dépit de la consommation d'alcool.
Donc, plus le gras consommé est saturé, et moins il cause de toxicité hépatique. Même des quantités hypercaloriques de gras saturés ne causent pas de stéatose, et peuvent aider à résorber certains problèmes hépatiques existants. Ceci est vrai même si la consommation d'alcool continue.
En revanche, des quantités même faibles de gras polyinsaturés semblent être toxiques pour le foie, et exacerbent ou causent directement des problèmes de stéatose, d'inflammation ou de fibrose.
Un autre effet des acides gras polyinsaturés est leur capacité à inhiber l'action des enzymes fibrinolytiques. Ces enzymes dissolvent les caillots qui se forment spontanément dans la circulation sanguine. L'inibition de leur activité fait en sorte que les caillots sont dissous plus lentement, et restent plus longtemps en circulation.
La capacité du sang à coaguler est essentielle à la survie: dans le cas d'une coupure profonde, la coagulation doit être rapide et importante pour éviter une perte de sang trop grande.
Toutefois, une coagulation excessive en l'absence de blessure peut entraîner des obstructions vasculaires et des ischémies (manque d'oxygène aux tissus) si un caillot bloque un vaisseau sanguin étroit.
Si une artère coronaire est ainsi obstruée, une partie du coeur manquera d'oxygène jusqu'à la dissolution du caillot. Ce phénomène s'appelle infarctus du myocarde. Le même phénomène survenant dans une artère carotide est appelé un accident vasculaire cérébral.
Donc, la coagulation est essentielle mais doit survenir dans un contexte précis. De la coagulation anarchique peut entraîner des problèmes très sévères, parfois fataux.
Il est instructif de considérer l'effet des gras polyinsaturés sur les enzymes impliqués dans la coagulation et la dissolution de caillots.
Une étude effectuée en 2003 (12) montre que, chez des femmes de 30-35 ans en santé, une alimentation riche en huile de noix de coco diminue le niveau sanguin d'une molécule (l'antigène du t-PA, qui est lui-même un marqueur pour le PAI-1) qui empêche l'activation du processus de dissolution des caillots.
Les auteurs affirment: 'In conclusion, our results indicate that a coconut oil–based diet (HSAFA-diet) lowers postprandial t-PA antigen concentration, and this may favorably affect the fibrinolytic system and the Lp(a) concentration compared with the HUFA-diet. '
Donc, qu'une diète riche en huile de noix de coco pourrait affecter favorablement le système fibrinolytique et diminuer la tendance du sang à coaguler après un repas en comparaison avec une diète riche en acides gras polyinsaturés.
En conclusion, tous ces travaux (et bien d'autres) semblent pointer dans une même direction, c'est-à-dire que les gras polyinsaturés ont des effets toxiques dans le corps des mammifères alors que les gras saturés ont des effets neutres, voire bénéfiques.
Pourtant, les recommendations nutritonnelles officielles nous disent exactement le contraire. Les nutritionnistes, le gouvernement et les médecins nous exhortent d'éviter le beurre, le fromage, les oeufs, les noix de coco et le boeuf, et nous suggèrent fortement de les remplacer par des huiles végétales et du soya.
Pourquoi? Une grande partie de la réponse vient de la croyance que les gras saturés augmentent le taux de cholestérol sanguin, et que les gras polyinsaturés le diminuent. Ceci voudrait dire que les gras saturés causent des problèmes cardiovasculaires, et induisent des crises cardiaques et des accidents vasculaires cérébraux.
Ce sujet sera approfondi dans les prochains jours.
Références
(4) www.raypeat.com
(5) http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/6693988
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