jeudi 27 octobre 2011

L'indignation actuelle: légitime mais mal placée

Par Nathalie Elgrably-Levy:

Les occupants du square Victoria ont fait du capitalisme l'objet de leur indignation et invitent maintenant l'ensemble des Québécois à suivre leur mouvement. Certes, le capitalisme est perfectible et le système financier a ses torts, mais ce n'est ni en tant que consommateurs de produits et services fournis par de grandes entreprises ni en tant que clients d'une institution financière que nous devrions descendre dans la rue. C'est en tant que contribuables! Les raisons pour nous indigner sont nombreuses. En voici quelques-unes.

Indignons-nous du fait qu'en dépit des 2310 bureaucrates qui gèrent le budget de plus de 28 milliards de dollars du réseau de la santé, l'attente dans les urgences est plus longue que jamais, des patients meurent faute de soins en temps opportun et des malades se voient refuser l'accès à des médicaments contre le cancer.

Indignons-nous du fait que nos routes s'écroulent au point de devenir un danger pour notre vie alors que le ministère des Transports dispose d'un effectif total de 7324 employés et d'un budget annuel de 849 millions de dollars.

Indignons-nous quant à notre système d'éducation qui donne des diplômes à des analphabètes fonctionnels, et qui affiche un taux de décrochage systématiquement plus élevé que celui observé dans le reste du Canada, et ce en dépit d'un budget de 15,5 milliards de dollars et de dépenses globales par élève supérieures (par rapport au PIB par habitant) à celles des autres provinces.

Indignons-nous du fait que Québec a usé de comptabilité créative pour nous faire croire au déficit zéro alors que la dette n'a jamais cessé d'augmenter.

Indignons-nous d'être obligés de cotiser à la Régie des rentes du Québec alors qu'elle s'apparente à une chaîne de Ponzi.

Indignons-nous du manque de transparence des syndicats qui refusent de révéler l'utilisation qu'ils font des cotisations obligatoires qu'ils perçoivent.

Indignons-nous de la formule Rand qui bafoue le droit de non-association et qui nous force à financer des activités syndicales que nous n'approuvons pas nécessairement.

Indignons-nous devant le système de gestion de l'offre qui permet aux producteurs laitiers de former un cartel et de gonfler artificiellement le prix du lait.

Indignons-nous de la complexité des lois sur l'impôt qui comptent 3305 pages à l'échelle fédérale et 2467 pages à l'échelle provinciale, et qui nous placent parmi les contribuables les plus imposés en Amérique du Nord.

Indignons-nous d'avoir à payer les impôts sur le revenu, la TPS, la TVQ, les taxes d'accise, les taxes municipales, les taxes scolaires, la taxe d'arrondissement, la taxe d'agglomération locale, les tarifs douaniers, les frais d'immatriculation, et les cotisations à l'assurance-emploi, au RRQ, à l'assurance médicaments et à l'assurance parentale.

Les contribuables ont plus de raisons que quiconque d'être outrés, mais ils resteront silencieux. Ils n'occuperont pas la rue pour exprimer leur indignation. Ils sont trop occupés à travailler pour financer l'appétit gargantuesque de notre gouvernement qui promet tout, mais livre bien peu! Et s'ils devaient manifester, ce n'est pas le square Victoria qu'ils investiraient, c'est le terrain de l'Assemblée nationale!

Nathalie Elgrably-Lévy est économiste senior à l'Institut économique de Montréal.
* Cette chronique a aussi été publiée dans Le Journal de Québec.

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