Les vignerons embouteillés
(Publiée dans le journal Métro)
«C’est parti! Vous pouvez venir goûter nos rosés du printemps!» Charles-Henri de Coussergues est copropriétaire du vignoble l’Orpailleur, dans la vallée de Dunham. Un des 17 vignobles à visiter cet été, à vélo ou en auto, en parcourant la route des vins du Québec. Une traversée bucolique de 120 km dans la région de Brome-Missisquoi, au sud de Montréal. Vous pouvez y boire des rouges et des blancs d’ici. Mais surtout, vous pouvez aider les vignerons québécois, prisonniers des griffes de la SAQ et de la Régie des alcools du Québec…
«La saison de la route des vins, c’est crucial pour nous. Les bouteilles qu’on vend aux touristes sur notre vignoble représentent 75 % de nos ventes annuelles», dit M. de Coussergues. Pourquoi ne pas vendre ses bouteilles sur les tablettes de la SAQ? Parce que la SAQ insiste pour se prendre une marge de 135 % sur les vins québécois. «Si je vends mon Orpailleur classique (blanc) 5,60 $ à la SAQ, elle va vous le revendre 13,75 $.» Et à ce prix, le vigneron fait zéro profit. S’il veut faire quelques sous, il doit vendre son vin plus cher à la SAQ. Sauf que la majoration, elle, demeure la même. Résultat : le prix final va grimper. «Et à 16 $ ou 17 $, les gens hésitent à acheter un vin québécois.»
Ce n’est pas la SAQ qu’il faut blâmer, dit M. de Coussergues. Mais plutôt la Régie des alcools. C’est elle qui protège le monopole de la SAQ, en interdisant à tout entrepreneur de lancer sa propre boutique de vin. La Régie tolère que les vignerons vendent leurs bouteilles aux touristes qui visitent leurs terres, ou à des restaurants. Mais sans plus. Personne ne doit concurrencer la vache à lait du gouvernement!
Voilà une autre raison de libéraliser le marché de l’alcool au Québec. Si on permettait un peu de concurrence, les producteurs québécois y gagneraient, dit Frédéric Laurin, auteur du livre Où sont les vins? «Regardez la quantité de produits québécois disponibles au Marché des Saveurs du Québec», dit-il. (Une boutique du Marché Jean-Talon – la seule au Québec – qui a gagné le droit de vendre des vins après un long combat contre la Régie.) «En libérant le marché, toute boutique de produits fins, comme les petites épiceries ou les fromageries, pourrait offrir des vins québécois pour accompagner leurs mets», explique M. Laurin. Et comme la mode est aux produits locaux, les producteurs québécois pourraient écouler leurs produits hors de leurs terres, pendant toute l’année.
Le monopole de la SAQ – en plus de nous faire payer trop cher nos bouteilles – freine le développement du terroir québécois. Si ce monopole nuisible vous fait suer autant que moi, allez pédaler un bon coup sur la route des vins cet été. Ça détend.
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